Saint Juste de Strasbourg (359?)


Dans la plus ancienne liste des évêques de Strasbourg, Erchambaud nous dit simplement à propos du 2e évêque de Strasbourg :

 

« Justus justifiae post additur assecla summae. »

« Juste succède [à Saint Amand], et imite sa vertu »

 

Il ne possédait donc d’autre information sur cet évêque que son nom et son rang dans la succession des prélats. Grandidier précise dans son Histoire de l’église et des évêques princes de Strasbourg que le moine qui écrivit les actes de la vie de Saint Déicole au Xe siècle appelle le deuxième évêque de Strasbourg Saint Justin. Il indique aussi que les historiens anciens des évêques écrivirent de Saint Juste de Strasbourg qu’il « était un prélat fort savant et fort versé dans les saintes écritures et qu’il avait composé un commentaire sur le cantique des cantiques dont l’exemplaire écrit de la main de l’auteur se trouvait, dit Wimphelingue, de son temps dans le couvent des Chanoines réguliers de Trutenhusen. » (couvent bâti en 1182 au pied de la montagne de Saint Odile et détruit au XVIIe siècle).

 

Grandidier suspecte une confusion avec d’autres Justus comme par exemple Saint Juste d’Uriel en Catalogne qui a aussi laissé des écrits. Toutefois la proximité géographique du manuscrit reste un élément en faveur de l’évêque de Strasbourg.

 

Grandidier note aussi que la fête de Saint Juste de Strasbourg fixée au 2 septembre coïncide étrangement avec la fête de Saint Juste Evêque de Lyon du IVe siècle.

 

Justus est représenté dans la cathédrale de Strasbourg sur les vitraux consacrés aux Papes, martyrs et évêques. Dans la troisième fenêtre de cette baie, il apparait juste après Saint Amand sur le premier vitrail dédié aux évêques.

 

Sources anciennes de Grandidier :

Wimphelingius, « de Epis. Argent. » Page 9 ; Jakob Wimpfeling (25 July 1450 – 17 November 1528)

Bruschius « De Episcopatibus Germaniae » page 57 ; Kaspar Brusch (1518-1559)

Bucchlinus Germaniae sacrae, parte 2, page 296

Ghinius « Martyrologio Canonicorum »

 

 

Destruction et abandon d’Argentoratum (352-357)

 

Jean-Jacques Hatt explique de manière détaillée dans son ouvrage Argentorate-Strasbourg les preuves montrant que la ville de Strasbourg fut détruite entièrement dans l’invasion alamane de 352. On a en effet trouvé plusieurs trésors dans la couche de restes calcinés de cette époque. Lors des fouilles de la ruelle Saint-Médard à Strasbourg, on trouva les restes d’une petite place détruite sous le règne de Constantin, puis sur-creusée, elle servit de cave et de rez-de-chaussée à un grenier à grains construit en bois. Ce dernier fut incendié une première fois durant cette invasion de 352. Mayence, Worms, Spire et Argentorate furent parmi les 40 villes détruites par les barbares. Après l’incendie de Strasbourg, la population fut probablement transférée en Germanie. Hatt montre aussi grâce aux restes d’hivernages d’escargots que la ville resta déserte durant plusieurs années. Elle ne dut sa renaissance qu’à la reconquête de Julien l’Apostat qui mena en 357 une brillante campagne militaire le long du Rhin durant laquelle il ne trouva qu’une seule forteresse rhénane encore debout.  

 

La campagne de Julien  décrite dans l’ouvrage « Histoires » d’Ammien Marcellin donne peu de détails sur Strasbourg mais permet de se faire une idée de la manière de vivre des Alamans. Ceux-ci étaient apparemment agriculteurs vivant dans de riches villages dont certaines maisons était « bâties régulièrement dans le goût romain » :

 

[XVI, 2, 12]

« … apprenant que les cités de Strasbourg, Brumath, Saverne, Seltz, Spire, Worms et Mayence étaient aux mains des barbares et que ceux-ci vivaient sur leurs terres – car ils évitent les villes elles-mêmes, comme des tombeaux entourés de pièges – la première cité qu’il occupa fut Brumath et, tandis qu’il s’en approchait, une troupe de Germains vint à sa rencontre et lui offrit la bataille. »

 

[XVI, 11, 11]

Puis Julien se détourna de cet endroit pour reconstruire les Trois Tavernes [Saverne]: c’est le surnom de la forteresse détruite, il n’y avait pas longtemps, par une attaque acharnée de l’ennemi, et dont la restauration garantissait l’impossibilité pour les Germains de pénétrer selon leur habitude au coeur des Gaules.

 

[XVII, 1]

On vit après cela beaucoup de fumée s’élever, ce qui indiquait que nos gens avaient pénétré dans le pays ennemi [rive droite du Rhin, région de Mayence] et qu’ils en faisaient le dégât. Cette surprise remplit d’effroi les Alamans. Ils abandonnèrent les embuscades [ ] pour passer le fleuve Main et allez au secours de leur familles. […] Leur retraite permit à nos gens de s’étendre en pleine liberté ; ils ne firent grâce à personne et enlevèrent tout le bétail et le blé qu’ils trouvèrent dans ces riches hameaux. On délivra ensuite nos prisonniers et toutes ces maisons qui étaient bâties avec régularité et dans le goût Romain furent réduites en cendres. »

 

Du fait de la destruction de la ville et de son abandon pendant cinq ans, on considère généralement qu’il est peu probable que Saint-Amand ait officié à Strasbourg après ces événements et on suppose donc que le second évêque de la liste mena son ministère après la restauration de 357.

 

 

De Synodis de Saint-Hilaire (359)

 

On associe parfois la date de 359 au ministère de Saint-Juste de Strasbourg. Cette date provient de la composition supposée d’un fragment de Saint-Hilaire intitulé « De Synodis ».

 

Au temps du concile de Rimini (359), les évêques du midi se rallièrent autour de l’évêque d’Arles, Saturninus, gagné à la politique de Constance II favorable à L’arianisme. Saint Hilaire, défenseur de l’orthodoxie nicéenne et de ce fait exilé en Asie, rallia les autres et on peut voir en tête de son De synodis qu’il dédie à ses collègues, une énumération des provinces qui sont avec lui : la Première et Seconde Germanie, la première et seconde Belgique, la première et seconde Lyonnaise, la province d’Aquitaine, la province de Gascogne et les évêques de la Grande Bretagne. La Viennoise et les Narbonnaises lui échappent mais il a avec lui les plebes « ex Narbonensi » et les clercs de Toulouse.

 

[les églises gallo-romaines et le siège apostolique, de P. Batiffol - 1922]

 

Extrait :

« Je vous ai félicité de ce que vous n’avez souffert aucune contagieuse impression de l’hérésie [arienne] ; vous avez pris part à mon exil et depuis trois ans vous avez refusé de communiquer avec ceux qui ne me sont pas unis dans la même créance et le même esprit : bien loin même d’adhérer à l’impiété de Sirmium, vous l’avez condamnée, dès que vous l’avez connue. Qu’il est glorieux pour vous d’avoir fait paraitre une fermeté aussi inébranlable. »

 

[Histoire de la province d'Alsace depuis Jules Cèsar jusq'au ..., Volume 1, Louis Laguille 1727]

 

Saint Hilaire connaissait donc précisément ses partisans. Originellement, la Germanie première (province de Mayence) comprenait les cités des Vangiones (Worms), des Némètes (Spire) et des Triboci (Strasbourg) auxquelles on rattachait pour des raisons stratégiques les cités gauloises des Rauraci (Augst-Bâle), des Helvetii (Windisch) et des Sequani (Besançon), ainsi que les tous les pays entre le limes et le Rhin. Au IIIe siècle, la Germanie Première perdit les territoires d’Outre-Rhin ainsi que les cités d’Augst-Bâle, de Windisch et de Besançon érigées en province autonome (Maxima Sequanorum) mais Hilaire n’en dit rien et dans son esprit ces dernières durent toujours faire partie de la Germanie Première ou des autres provinces (Gaules ou Lyonnaise).

 

Toujours est-il que cette dédicace d’Hilaire est interprétée comme le signe que les évêchés de Germanie supérieure (Mayence, Worms, Spire, Strasbourg, Bâle) étaient restaurés à cette époque et avaient à leur tête des évêques qui apportèrent leurs suffrages à Hilaire. Mais rien ne prouve que tous ces évêchés étaient occupés, et encore moins que Justus était alors l’évêque de Strasbourg.

 

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Sources  complémentaires:
- Internet
- Histoire de l’Alsace, Privat
- Essai sur les vitraux de la cathédrale de Strasbourg par Victor Guerber
- Histoire de l'Eglise et des évêques princes de Strasbourg par Grandidier




Buste de l’empereur romain Julien l’apostat.
En 357, il écrasa les Alamans près de Strasbourg et restaura l’ordre romain sur la rive gauche du Rhin.







Saint Hilaire de Poitier

Saint-Hilaire de Poitier